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Articles

Affichage des articles du 2015

Conjugaison

Noyer (Se) Ils sont là, étendus sur le sol, couverts de boue, difformes, brisés. Cent trente-deux livres et autant de babioles, bibelots, souvenirs d’une époque révolue. Rangés il y a des mois de cela dans des cartons avec amour et application, précaution aussi. Pour plus tard, pour après, pour se souvenir, pour partager. Ils étaient là, parce qu’il n’y avait pas de place ailleurs et que je ne pouvais pas me résoudre à m’en débarrasser, trop précieux, trop symboliques. Je les pensais à l’abri dans ces cartons, dans ce placard, dans cette chambre. Mais comment aurais-je pu prévoir que l’eau allait tomber du ciel avec un tel acharnement, ruisselé avec une telle ardeur, recouvrir de boue les parquets, engloutir les jouets, imprégner la maison d’une odeur de mare, vaseuse ? Comment savoir que, justement, dans cette chambre, l’eau prise au piège allait chercher une échappatoire par le haut sur plus d’un mètre, noyant tout sur son passage. « Tout le monde va bien ! C’est l

Playlist

Creep-Radiohead Radiohead, comme beaucoup des grands groupes de ma culture musicale, je l’ai découvert par mes parents et par les bandes originales de film. Et, avec cette chanson, il se passe quelque chose tout de suite. Je suis en pleine adolescence, ma vie est un bordel sans nom et je ne sais pas très bien où j’en suis. Pour tenir bon j’écoute des chansons, fort, à m’en faire éclater la tête. Des chansons qui expriment toute ma colère contenue et me permettent de me sentir plus forte : Pink et son Who Knew, Keen et Somewhere Only We Know, Queen qui m’apprend que the Show Must Go On... Et puis il y a Creep, comme une berceuse au début, douce, calme. Trop calme. Le calme avant la tempête. Quand, soudain, explose la guitare, elle résonne au moi, y trouve un écho personnel. C’est tout ce que je ne dis pas, c’est cette rage, ce chagrin qui ne veut pas sortir. Combien de fois ai-je pleuré sur cette guitare. J’apprendrai plus tard par un ami de ma mère que ce que j’ai

Possibilitées matinales

Ce matin, comme souvent en ce moment, en ouvrant les yeux j’ai su qu’il était tôt, vraiment trop tôt pour se lever un jour de vacances. Mon téléphone indiquait d’ailleurs six heures trente. Un instant, j’ai songé à me rendormir, tout en sachant pertinemment que je n’y arriverai pas. Je ne me rendors jamais. Mais j’aime bien me convaincre moi-même que j’ai le choix. Alors, j’ai ouvert les yeux et je me suis étirée. J’ai passé la main dans mes cheveux et noté que j’avais besoin de les laver. Puis, parce qu’il faisait bon et pas encore cette chaleur étouffante qui me prend à la gorge depuis mi juin et qui rend tout mouvement totalement épuisant, j’ai allumé mon ordinateur. Je voulais aller sur facebook voir ce que j’avais manqué pendant les quelques heures ou j’avais dormi. Ensuite, il y aurait eu instagram et twitter. Et, en quelques clics, j’aurais rattrapé les heures de retard que j’aurais prises sur ma partie du monde réelle et virtuel. Et puis non. J’ai ouvert

Parfois, je me demande à quoi ça sert

J’écris sur ce blog depuis cinq ans déjà, mais j’ai réellement commencé à écrire il y a sept ans. Sept années déjà que je noircis des pages et des pages d’histoires vécues et inventées, de personnages de ma vie de tous les jours et de personnes de papier. Et à l’heure du bilan, j’en viens à me demander à quoi ça sert. Ce travail d’écriture, c’est un deuxième job à côté de mes études et des baby sitting. Ça me demande une énergie et une motivation considérable : trouver les idées, les mettre sur le papier, relire, corriger, modifier, supprimer, recommencer, mettre en page... Ca demande des sacrifices aussi : « non, je ne peux pas sortir, j’ai un chapitre à finir ! », « attends encore cinq minutes pour ton câlin, je dois terminer cet article. » Parfois, souvent, je fais passer mes textes avant ma vie personnelle. Au début, ça rendait l’amoureux totalement fou ; avec le temps, il a compris. J’écris partout. J’arrête tout quand germe une idée, pour pouvoir la couche

Et j’ai recommencé à écrire

J’ai toujours pensé qu’on écrit comme on apprend à marcher, d’un coup, sans plus jamais s’arrêter. Un jour, on ne sait pas comment s’y prendre, on hésite. Et le lendemain, sans qu’on sache trop bien comment, on écrit. Et même avec toute l’énergie du monde, on ne peut plus oublier, c’est là, gravé au fer rouge. Je crois même que si le corps venait à ne plus être qu’une prison immobile, nous continuerions à écrire, en silence, dans le secret de nos têtes. Voila près de sept ans que j’ai commencé à écrire. Sept années déjà que j’ai découvert que les seules limites de mon imagination étaient celles que je m’étais fixées. Depuis, il ne s’est pas écoulé un jour sans que je songe à un article, à un chapitre, à un personnage. Je respire, je mange, je dors, je sens, je ressens. Et j’écris. Ce geste est devenu un besoin vital au même titre que le reste. C’est simple d’écrire. C’est facile, ça l’a toujours été. Une des rares choses simples dans ma vie en fait. Et puis… Et puis en janv

A nous quatre

On est quatre, comme les filles du Dr March et les Daltons, les doigts de la main de Mickey, les quatre filles mais sans le jean, les pieds d’une table, les coins d’un carré, les as aux cartes, les points cardinaux, les feuilles de certains trèfles. Quatre, deux et deux, mon chiffre fétiche. Je suis l’ainée. Et je l’ai longtemps détesté, cette place, parce que chaque fois c’était la même rengaine : « oui mas toi tu es l’ainée alors …  », à compléter selon la situation. Je suis le bébé test, le premier jet, celle qui a essuyé les plâtres. Ce rôle-là, dont je n’avais pas forcément voulu mais dont on m’a fait cadeau à la naissance, d’office, ni repris ni échangé, il peut être lourd à porter parfois, il sous-entend des tas de responsabilités implicites. Mais, depuis qu’ils sont là, il est plus léger.   Tous les trois, ils sont ma force vive, mes fans et mes juges, mon booster. Je veux être à la hauteur, être la sœur ainée qu’ils méritent. Parce que, chacun à leur manière, ils son

Conjugaison

Taire (Se)...Ou tout ce qu’on ne dit pas On ne peut pas vraiment dire qu’elle soit silencieuse, non, ce n’est pas exactement ce qui la caractérise. Mais il existe une différence flagrante, énorme même entre le flot ininterompu de parole qui sort de sa bouche depuis sa naissance ou presque et ce qu’elle voudrait vraiment dire. Le premier sert à couvrir le bruit ou le silence, à détourner l’attention, à rappeler qu’elle existe. Le reste, elle le tait, elle le garde enfoui en elle pour ne pas blesser, ne pas froisser, ne pas mettre en colère, éviter le conflit quel qu’en soit le prix. Elle ne dit pas, par exemple, que depuis la naissance de son petit frère et de sa toute petite sœur, elle se sent comme les parents, voulant les protéger de tout mais se sachant impuissante à le faire. Elle tait aussi ce qu’elle pense réellement du frère de son copain, combien elle le hait avec son machisme, son racisme et cette manie qu’il a de s’immiscer entre eux. Elle ne dit pas qu

Côte à Côte

On est ensemble, oui. Si ensemble veut dire dans la même pièce alors oui, on est ensemble. Du moins physiquement. Pour ce qui est du mental, j’ai plutôt l’impression d’être à un million d’années lumière de toi, un peu comme ces étoiles dont je te parlais la dernière fois, celles dont nous percevons la lumière alors qu’elles sont éteintes depuis longtemps déjà. Ensembles donc. Côte à côte dans ce lit qui a été le notre pendant près d’un an.  Qui n’est plus que le tien maintenant. Tu regardes la télé d’un œil en pianotan t sur ton téléphone. Et moi j’écris , casque sur les oreilles, musique  à  fond. Côte à côte mais chacun enfermé dans son monde, retranché derrière son écran. C’est que nous ne sommes  pas vraiment seuls dans se lit. E ntre nous se glissent tes angoisses, les miennes, mes problèmes de famille, ton frère qui débarque toujours sans prévenir, la fatigue, les silences, les  non-dits . Tout ce qu’ on tait , qu’on garde pour nous, pour protéger l’autre de nous . E

Conjugaison

 Echapper (S') Dédicacé à Marine Elle était du genre à fuir, tout en restant là, statique. Elle fuyait disputes, conflits... en se cachant à l’intérieur d’elle-même, mutique et les yeux dans le vague. Elle encaissait, elle détournait l’attention et se manège durait depuis des années. Mais s’échapper, elle n’y avait jamais songé. S’échapper, ça voulait dire s’extraire d’elle-même, devenir une autre pendant quelques heures, quelques minutes, quelques instants. S’échapper, c’était faire taire leurs voix dans sa tête, les questions en boucle, les mots blessants qui revenaient. Elle planifiait cette échappée de façon simple. Si elle avait eu  de l’argent,  elle aurait pris le premier avion lui permettant de rejoindre ses amis parties travailler à l’étranger ou celle qui vivait à Paris. Elle aurait juste laissé un mot pour dire ou elle était et elle se serait volatilisée dans la masse des anonymes qui peuplent les gares et  les aéroports . L’autre option, celle don

Que reste(ra)-t-il ?

Que reste(ra)-t-il de nos amours Que reste(ra)-t-il de ces beaux jours ? Et de la joie dans leurs voix quand je demande au téléphone si on peut venir passer le week-end. Du départ après le travail parce que je travaille le samedi et de l’interrogation vitale sur l’autoroute « est ce qu’on va être o n time  pour l’apéro ? ». Du coucher de solel digne de celui du Roi Lion, au dessus des collines du pays salonais. De leur joie, la même mais en direct, quand on débarque à la manière d’une équipée fantastique. Une photo, vieille photo De ma jeunesse. Et un apéro Guacamole- Ktipiti – Ice Tea acheté exprès pour notre venue. Et puis le gratin dauphinois maison, la salade du jardin et ma fameuse vinaigrette de la mort. Les cousins qui viennent faire un coucou avant d’aller se coucher. Le chat qui fait une apparition mais repart dare-dare parce que trop de câlin. Et puis LA tarte au pomme, dorée et parfaite, qui a toujours la même recette mais jamais le même gout, si ce n’

Tu seras un homme, mon frère

Pour l’instant tu n’es encore qu'un petit garçon fan de Toys Story et de legos. Mais parce que génétiquement tu es doté d’attribut masculin, un jour tu seras un homme, un vrai. Et puisqu'à part notre papa, tu n’as pratiquement que des référents féminins, je prends cinq minutes pour t’expliquer ce que ça implique d’être un bonhomme pur et dur. Déjà, le rose, tu oublies. Le rose, c’est pour les filles, point barre. Le violet passe mais c’est limite. Les poupées, c’est mort aussi, idem pour la dinette. Toi, tu  aimeras  les voitures, les robots et le foot. Bon puisqu’on en est à parler sport tu peux dire au revoir à la danse hein ! T’es pas une lopette que je sache ? Tu  pourras  faire du tennis,  rugby , foot, karaté...mais la danse, la gym et les collants c’est pour les gonzesses. J’te parle même pas des larmes, c’est interdit, c’est pour les faibles. Idem pour les sentiments. Tu n’en  parleras  pas, t’en auras pas, tu  penseras  avec ton sexe pour pas être une fiot

Tu seras une femme, ma soeur

Dessin de Diglee Bon, pas tout de suite non plus, évidemment. Pour le moment, avec tes deux dents, tes trois cheveux et ton refus catégorique de marcher à quatre pattes tu es juste le bébé le plus craquant du monde. Mais, parce que tu es née avec  les attributs  du « beau sexe », un jour tu seras une femme. Et laisse moi te dire directement que ça ne va pas être une partie de plaisir tous les jours. Parce qu’être une femme, ça implique entrer dans un moule poussiéreux dont on tente de se  débarrasser  depuis un siècle. Des gens bien intentionnés ou pas t’expliqueront que pour être une femme tu devras avoir les cheveux longs, porter des jupes mais pas trop courtes non plus pour qu’on ne puisse pas dire que tu cherches les ennui s. Tu devras obligatoirement à un moment de ta vie procréer parce que c’est bien connu toutes les femmes aspirent toujours à un moment donné à la maternité, c’est l’horloge biologique qui se réveille. Tu devras porter des talons hauts, êtr