Il y a quelques temps j'ai lu le très joli Lettres à l'ado que j'ai été, un recueil de lettre écrite par des personnalités à leur "moi" adolescent. Un livre qui m'a tellement touché que je me suis prêtée moi aussi à l'exercice. J'ai donc adressé une lettre à l'adolescente de 14 ans que j'étais en 2008.
Salut Anna,
Tu te demandes sûrement à quel moment notre existence
est devenue suffisamment merdique pour qu’on ressente le besoin de s’écrire une
lettre à nous-même, dix ans en arrière. Tu sais bien qu’on aime recevoir du
courrier, mais quand même, il y a des limites !
Tout ça, c’est de la faute d’un livre, en fait. Un
chouette livre, écrit par de chouettes personnes qui, en 2018, l’année depuis
laquelle je t’écris, se battent pour que les adolescentes comme toi aient une
vie moins merdique, pour que les mentalités changent, et que les hommes et les
femmes soient à égalité. Et oui, le racisme, le sexisme, l’homophobie et tout
le reste existeront encore dans dix ans ! Mais tu as beau être une
éternelle optimiste du haut de tes presque quatorze ans, je sais que tu
n'espères quand même pas qu’en une décennie la Terre soit purgée des préjugés
et des injustices !
Bref, venons-en au sujet qui m’amène à t’écrire cette
lettre : toi, enfin moi, enfin nous. Si j’ai bien calculé, tu ne devrais
plus trop tarder à finir ton année de quatrième, et à entrer en troisième. Si
j’ai bien calculé, papa et maman viennent de se séparer, et tu vas bientôt
faire des choix et des rencontres qui vont bouleverser ton existence entière,
et orienter certains choix de ta vie d’adulte. Alors, Anna - tu permets que je
t’appelle Anna ? - voici quelques infos et conseils avant que tu ne te
jettes dans le grand bain.
Continue à lire ! Surtout ne t’arrête jamais de
lire. Bientôt, tu vas découvrir une série de bouquins qui parlent de
vampires ; Twilight, ça s’appelle. Un truc que tout le monde va adorer,
puis critiquer abondamment. Lis-le ! Aime-le ! Ce livre jouera un
rôle plus important que tu ne le crois dans tes études. Continue à lire, donc.
Les livres sont ton refuge, ils deviendront ton sujet d’étude, puis ton métier.
Niveau études, justement, continue à bosser dur, tu
iras en L comme tu l’as planifié, pas de panique. Par contre, si tu pouvais
bosser un peu plus l’anglais, ça nous arrangerait clairement en 2016, quand on
ira passer six mois en stage à New-York ! Ouais, on va faire ça, je sais,
c’est dingue ! On en rêve déjà tellement, et on va tellement galérer pour
y arriver que, crois moi, on va savourer chaque seconde du temps passé là-bas
avec Laura.
Ah oui, Laura ! Tu ne connais pas encore Laura. Ça
tombe bien, ça me fait une transition pour le conseil suivant. Il y a des gens
qui te paraissent indispensables à ta vie de tous les jours, avec lesquels tu
auras passé toutes tes années de collège, traversé l’enfer du lycée, mais à qui
tu ne parles plus aujourd’hui. Ne sois pas triste, ils t’ont fait plus de mal
que tu ne le crois, et sont déjà en train de t’en faire sans que tu ne t’en
rendes compte, petite Anna. Toi qui a tellement de « tchatche »,
tellement de force quand il s’agit de défendre tes convictions, je ne comprends
pas que tu puisses te taire quand tes « amies » te blessent ! Je
sais que tu as peur d’être seule, je sais que tu as besoin d’être aimée, mais fais
gaffe quand même, ok ?! En revanche, dans les années à venir, tu vas faire
des rencontres et retrouver des amis un peu perdus de vue. Du coup, pense à
prendre l’option espagnol en première, ça n'aidera pas pour New-York, mais ce
que ça va t’apporter vaudra toutes les leçons d’anglais du monde, crois-moi.
Ces personnes joueront un rôle déterminant dans ta vie, encore aujourd’hui. Ils
t’aimeront pour ce que tu es : bruyante, passionnée, bavarde, drôle et
trop sensible. Certains d'entre eux auront un rôle essentiel dans tes années de
lycée, d’autre dans tes années de fac, et ils t’aideront à traverser les petits
et grands chagrins de la vie, comme lorsque tu auras le cœur brisé par un type
avec lequel tu n’envisageras jamais plus que de l’amitié. Parce que oui,
figure-toi que les chagrins d’amitié sont aussi douloureux et amer, si ce n’est
plus, que les chagrins d’amour !
Et l’amour, parlons-en ! On va pécho, Anna !
On va finir par pécho ! Bien sûr, ce ne sera pas toujours comme dans les
livres ! Mais ce sera bien, ce sera beau, ce sera bon. Je ne te dis ni
comment ni quand, mais sache qu’un jour, on va rencontrer ce drôle de mec qui
va nous chambouler le cœur et aussi un peu notre vision de nous même, en nous
répétant à longueur de temps combien il nous aime, combien on est belle, et
qu’on a « une chute de rein fracassante », ce sont ses mots pas les
miens. Ce type, c’est de l’or, ma puce ! Il vaudra tout les premiers
amours de lycée des copains ! Il sera doux, patient sur des sujets qui
nous terrifient, et il nous aidera à revoir deux trois avis bien tranchés sur
le sexe. D’ailleurs, quand je pense à certaines affirmations que tu vas sortir
sur le sujet d’ici un an ou deux, et que je regarde ma vie de maintenant, je me
marre.
En parlant de gros changement, figure-toi qu’on va se
mettre à s’aimer un petit peu plus ! Bon, clairement pas tout de suite.
Là, tu ne te détestes pas encore. Ça ne va pas tarder, t’inquiète pas, ma biche
– oui, en 2018, j’appelle tout le monde « ma biche » ou « mon
chaton » - mais ça va passer, ne t’inquiète pas. On va commencer à se
trouver jolie dans les yeux de l’amoureux, puis en se regardant dans le
miroir ; on va apprendre à aimer ce corps qui va radicalement changer dans
quelques mois, et dont tu ne vas pas savoir quoi faire. On va changer de
couleur de cheveux aussi, pour tenter de se ressembler un peu plus. Et on va
enfin trouver notre style et, je te le dis tout de suite (spoiler alerte!), ce
n’est pas le style « pop-rock glamour » que tu vas détailler dans ton
journal bientôt ! Non, c’est un petit style sympa, qui nous met bien dans
nos baskets et dans nos chaussures à talons, et ouais, ma gueule, je bats le
pavé sur mes dix centimètres de talons maintenant ! La classe ou pas la
classe ?!
Parlons un peu famille, maintenant. Premier
spoiler : personne n’est mort dans dix ans. Donc, tu peux arrêter tes
insomnies à paniquer sur le jour où les grands-parents ne seront plus là. En
2018, les grands-parents sont en pleine forme, même si papi et mamie ne vivent
plus à Montolivet depuis un moment. Gros chagrin en perspective, je préfère te
prévenir. Bref, quand on en vient à la famille, un peu comme avec la question
des potes, j’ai quand même envie de venir te serrer dans mes bras, petite Anna,
pour te dire que ça va aller, que tu vas pleurer, claquer des portes, vouloir
crever ou qu’ils crèvent, mais ça va aller. En passant, soit un peu plus cool
avec maman ! Oui, c’est saoulant qu'elle se comporte parfois comme une
adolescente de quarante ans, mais un jour, comme elle te le dit, tu comprendras
pour de bon, et tu te sentiras un peu merdeuse de ne pas avoir été plus tendre
par le passé. En ce qui concerne papa, je ne peux que te conseiller de ne pas
trop t’attacher, de te protéger au maximum, même si je sais que tu ne le feras
pas. D’ici un ou deux ans, tu vas faire la rencontre d’une personne qui prendra
une place très importante dans ta vie, et t’offrira deux des plus beaux cadeaux
qu’on t’ait jamais fait. Je ne te dis pas quoi, je sais combien tu aimes les
surprises. Enfin, veille sur Juliette. Elle aussi va vivre des moments un peu
compliqués. Mais si tu la voyais maintenant ! Elle a eu son bac l’année
dernière (balise pas, moi aussi ça m’a fait flipper sec, mais on se fait à
l’idée finalement). Je te jure, si tu pouvais voir la frangine, comme elle est
belle, forte, brillante. Une étoile, ta sœur est une étoile, clairement. Tu vas
voir comme bientôt, tu la regarderas, fascinée que deux êtres aussi différents
aient pu naître de l’amour des deux personnes, comme tu crèveras de fierté en
parlant d’elle, comme tu seras reconnaissante à la vie de t’avoir offert ça,
une alliée, un soutien pour toujours.
J’en viens maintenant à ce qui m'a donné envie de
t’écrire aujourd’hui. Bientôt, je pourrais te donner la date, mais de ce que je
connais de la science-fiction, ça pourrait créer un joyeux bordel
spatio-temporel, alors on va rester dans le flou, ok ?! Bientôt donc, tu
vas faire la rencontre de quelqu’un de vraiment essentiel : Améthyste
Belmos. Retiens bien ce nom, je me suis cassé le cul à l’inventer, et j’en suis
méga-fière, même dix ans après, ok ? Améthyste va être le tout premier
personnage de ton tout premier roman. Oui, tu as bien lu, ton roman ! Tu
vas d'ailleurs en écrire quelques-uns. En fait, tu vas créer Améthyste, et tu
ne vas plus jamais arrêter de créer des personnages, d’écrire, tout le temps,
partout. Dans quelques temps, tu vas avoir envie de créer un blog.
Fais-le ! La plupart du temps, ça ne va t’apporter qu’une charge de
travail supplémentaire, et beaucoup de frustrations, mais parfois cela te
remplira le cœur de tellement d’amour, de fierté et de joie, que tu vas avoir
l’impression d’exploser. Ça te permettra de faire d'autres rencontres
importantes, et de t’offrir deux ou trois opportunités assez géniales.
Quelqu’un te dira même « un jour, j’aimerais être comme toi », un
compliment qui va tellement te gonfler le cœur que tu auras envie de te le
faire tatouer pour les jours sans.
Je n’ai plus beaucoup de temps, ma biche, alors je vais
faire vite pour la fin. On ne va jamais aimer boire, ni trop sortir non
plus ! Parfois, on aura l’impression d’avoir raté notre adolescence, et
manqué les aventures des plus belles années de notre jeunesse. T’inquiète,
cette sensation passera. Continue à lire, continue à créer, emmerde ceux qui
pensent que tu ne vas pas y arriver, emmerde ceux qui voudraient que tu sois un
peu plus ceci ou un peu moins cela. Sois toi-même, bruyante, pétrie de
convictions, révoltée par les injustices, trop sensible, mais croyant
foncièrement en la capacité de l’espèce humaine à créer du beau. Ne t’excuse
pas d’exister et crie-le haut et fort. Continue à danser et à chanter, même si
pour le moment on n’a pas encore fait l’Olympia ! Sois toi et sois-en
fière parce que, sans déconner, tu es quand même en passe de devenir quelqu’un
de plutôt chouette ! Et sache, petite Anna, que tu vas en chier, et que
parfois tu vas gueuler : « Putain ! Mais quand est-ce que ça
s’arrête ? ». Jamais, ma belle, ça ne s’arrête jamais. Mais on se
relève, plus forte encore malgré les cicatrices et les bleus à l’âme. Tu liras
dans un des livres que tu étudieras pour le bac : « La vie est belle
à proportion qu’elle est féroce ». Oh Anna ! C’est tellement
vrai ! Vivre, c’est dur et parfois ça fait mal, mais c’est tellement bon
aussi. Tu vas voir, tu vas être touchée, émue, bouleversée dans le bon sens du
terme par tellement de choses extraordinaires qui te feront parfois verser des
larmes de gratitude, en te disant que tu as eu la chance de tomber juste sur la
bonne époque pour les voir et les vivre. J’ai encore tellement de trucs à te
dire, mais cette lettre est déjà trop longue. Vis ta vie, Anna ! Tu vas
faire des erreurs, mais je te promets que ça va aller, la vie est putain de
belle !
Avec toute mon
affection,
Toi dans dix ans.
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